En 2016, Fernando Santos est devenu le premier sélectionneur à avoir remporté un titre international avec le Portugal. Six ans plus tard, « l’ingénieur » est dans la panade et sa maison est en feu. Le maître du storytelling peut-il s’en sortir ? On le saura bien assez tôt.
« Le Portugal n’a perdu qu’un match. En bien comme en mal, on en fait toujours des tonnes. » À quelques jours d’une rencontre de barrage décisive face à la Turquie, c’est un Fernando Santos décomplexé qui s’est présenté à la presse. Sur la table, une place de qualif’ pour la prochaine Coupe du Monde au Qatar… Visiblement, pas de quoi en faire un drame. Le « Mister » maîtrise la situation.
Fernando Santos, sélectionneur et storyteller
« Si le Portugal ne se qualifie pas pour la Coupe du monde 2022, je quitterai la sélection » affirmait le sélectionneur au lendemain de la gueule de bois serbe. La tête sur le billard, Fernando Santos n’a pas hésité à faire « all-in » avec un 7 et un 2 dans la main. Malgré ça, on lui accorde encore le bénéfice du doute. Probablement grâce à l’Euro 2016 : « J’ai déjà prévenu ma famille, je rentrerais au Portugal le 11 juillet et je serais reçu en héros. » Aux balbutiements de ce championnat d’Europe, « l’ingénieur » est passé pour un fou. Un mois plus tard, les Portugais le glorifiaient tel un prophète.
C’est là toute la complexité du personnage de Fernando Santos. Sur les terres d’Amália Rodrigues, rares sont les sélectionneurs qui peuvent se targuer d’avoir eu autant de crédit que lui si ce n’est, peut-être, Luiz Felipe Scolari. Et encore, l’un est reparti avec la Coupe d’Europe (plus une Ligue des Nations en 2019)… Pas l’autre.
Après huit longues années passées sur le banc de la sélection portugaise, Santos a démontré qu’il pouvait rassembler l’opinion public autour de l’équipe nationale. Sauf que parfois, ça lui a joué de vilains tours : « J’ai pris une valise pour un mois. Et des cigarettes aussi. » À l’occasion de l’Euro 2020, les tactiques occultes du fumeur de 67 ans ont échoué. La Belgique et une frappe limpide de Thorgan Hazard, ont renvoyé les Portugais au bercail dès les huitièmes. Alors, quand il balance avec détermination : « le Portugal ira au Qatar » prenez-le avec des pincettes, même si c’est le maître du storytelling qui vous le dit.
Le changement c’était avant
Il faut aussi l’admettre, Fernando Santos est loin d’être un charlatan. Depuis son arrivée sur le banc lusitanien, c’est la première fois que le spectre des barrages plane au-dessus du Portugal. Avant lui, la Seleção était le pilier de bar des play-offs. Coupe du Monde 2010, Euro 2012, Coupe du Monde 2014… Systématiquement, la sélection portugaise flirtait malgré elle avec le danger. Mais les réussites sportives ne sont pas une assurance tous risques et, de toute façon, le vrai problème du Portugal est ailleurs.
« Comment une équipe avec autant de talents peut-elle produire si peu de jeu ? » lançait un journaliste portugais à Santos après la confrontation retour face à la Serbie. Pour le coup, le grand manitou n’a trouvé aucune parade à la question. En même temps, avec Cristiano Ronaldo, Bernardo Silva, João Cancelo, Bruno Fernandes, Renato Sanches, Rúben Dias à sa disposition… Difficile d’expliquer comment le Portugal peut rendre des copies aussi insipides ou même pourquoi cette équipe en est arrivée à jouer les barrages.
Quelque part, est-ce vraiment si surprenant lorsque l’on regarde attentivement le CV de Fernando Santos ? Habitué des victoires à la Pyrrhus avec la Grèce, à son arrivée en 2014 « l’ingénieur » ne disposait pas d’autant de qualités dans son effectif. L’objectif premier de Fernando Santos était de stabiliser une équipe en fin de cycle et friable lors des grands rendez-vous internationaux. Un objectif plus qu’atteint en 2016… Mais qui ne tient plus debout aujourd’hui.
Désormais, le Portugal est à un nouveau point de rupture. Pepe est proche d’être étudié dans les livres d’histoires, au même titre que José Fonte, João Moutinho ou encore Rui Patricio… Cristiano Ronaldo aussi, que les gens le veuillent ou non, est plus proche de la fin que du début de sa carrière. Alors, il serait peut-être temps de prendre exemple et de passer le flambeau Fernando. La boucle semble se boucler.