Fernando Santos à la tête de la sélection portugaise, c’est 8 années marquées par des discours irritants, par une sensation de gâchis. C’est le sélectionneur d’une équipe tributaire des idées de jeu d’un homme qui a trop souvent donné la sensation d’être dépassé. Mais depuis le début de la Coupe du monde, l’ingénieur tient une tout autre posture plus en adéquation avec le matériel mis à sa disposition. Un poil trop tard ?
Souvenez-vous de l’attitude qu’adoptait le Portugal de Fernando Santos durant la quasi-totalité de son mandat à la tête de la Seleçao et celle de ce mondial au Qatar : une dissonance des plus flagrantes est mise en évidence. Une volonté d’aller à l’encontre du préétabli, vers une idée de jeu plus fonctionnelle. Mais alors, comment convaincre un groupe du bien fondé de ce revirement lorsqu’on a été habitué à son antithèse ? Du statique à la mobilité, du linéaire à la variabilité, du prévisible à l’imprévisible, compliqué d’attribuer une réelle identité.
« Je souhaite cette variabilité. C’est pour cela que nous jouons dans un système plus hybride qui permet tous ces mouvements plus amples des joueurs avec les compensations adéquates. Cela ne m’intéresse pas de savoir si Bernardo est à droite, au milieu ou plus en retrait, si Bruno vient dans l’axe puis recule ou si Félix rentre vers l’intérieur et après vers l’extérieur. Cela ne m’inquiète pas du tout, au contraire, je veux, néanmoins, que cela se passe en toute sécurité. En sécurité avec le ballon. Dans cette « anarchie », entre guillemets, car ça ne peut pas être l’anarchie, on ne peut pas perdre le ballon facilement, on ne peut pas perdre la capacité de récupérer le ballon, la capacité de réagir à la perte de ce dernier et aussi quand l’adversaire entre en possession, avoir la capacité à se rentrer rapidement en organisation défensive. »
Pour l’illustrer, il suffit de se focaliser sur Bernardo Silva, João Felix ou encore Bruno Fernandes. Le Citizen, par exemple, assume une fonction lui conférant une liberté totale. Une présence scénique on ne peut plus explicite qui le consacre comme joueur omniscient d’un collectif qui manque cruellement d’habitudes tant dans une dimension socio-affective que dans les interactions. Néanmoins, cette nouvelle perspective du coach lusitanien requiert un travail d’orfèvre en amont et force est de constater que le temps qui y a été consacré joue en sa défaveur. Une équipe prévisible, bien souvent incapable d’accélérer dans le derniers tiers et qui peine à déséquilibrer l’organisation adverse : une carence on ne peut plus criante de versatilité et de variantes dans les circuits. Par voie de conséquence, bien qu’il bénéficie de joueurs dotés de qualités techniques on ne peut plus évidentes, le fléau qu’est la possession stérile plane constamment au-dessus de la Seleção.
Le paradoxe de ce nouvel idéal de Fernando Santos est qu’il prône une grande liberté positionnelle des offensifs sans tomber dans l’anarchie. Or, cela a été mis en évidence un nombre incalculables de fois et, comme les même causes produisent toujours les mêmes effets, le surplus de mobilité, dans le but de s’offrir comme solution pour le porteur, qui entraîne une congestion dans le couloir central a illustré l’une des grandes anomalies des premiers matchs. Dès lors, l’impossibilité de fixer et l’impertinence positionnelle que cela induit génèrent des complications qu’il est difficile de résoudre (manque d’amplitude, de profondeur). Trouver le joueur libre devient une tâche des plus complexes.
Alors, certes, Fernando Santos bénéficie d’individualités qui induisent d’elles même un savoir faire tacite qui améliore la perspective sur le champ des possibles. Néanmoins, l’apprentissage de concepts et les habitudes qui en découlent nécessite du temps que ne peut compenser la prédisposition naturelle d’individualités pour répondre à des situations de jeu spécifiques par le biais de l’instinct naturel et des qualités issues de l’idiosyncrasie de chacun.
La pratique c’est la possibilité de s’améliorer. Or, le temps joue en la défaveur du Portugal. Le changement de paradigme qui s’opère durant un tournoi est un pari risqué. D’autant plus que l’on parle d’un sélectionneur qui, par le passé, a eu la fâcheuse propension à se préoccuper excessivement de la partition adverse avant de se préoccuper de la sienne et d’assumer le protagonisme, à hauteur de l’expectative que génère autant de talents au sein d’un groupe.
Par voie de conséquence, on parle d’un homme qui n’a jamais transmis une confiance absolue sur ce qui était fait à travers une initiative propre, indépendante de l’identité de l’adversaire mais plutôt une volonté incessante à s’adapter et à se cacher derrière un utopique équilibre d’un modèle rigide, hermétique et restrictif. Celui qui priorisait, a priori, la maîtrise des 4-5 variantes propres à l’organisation défensive, prétend maintenant être l’instigateur d’un modèle fonctionnel où la mobilité, les relations et la versatilité constituent un leitmotiv. Lorsqu’un directeur d’orchestre est fidèle à ses convictions, principes et idées, il tend à dépendre de plus en plus de ses joueurs. Ici, la dualité sur les idées émises par Fernando Santos au cours des dernières années, n’est pas d’un grand soutien pour y parvenir.
PS : Vitinha et Rafael Leão ont tout pour être des facilitateurs quant à l’avènement de ce nouvel idéal.
Par Rémy Martins.