Sachez que le football est fourbe et impitoyable, alors ne lui faites jamais confiance. Un beau jour, il vous tend la main, se montre patient face à votre scepticisme, et puis, au moment où l’on s’en saisit – car, pauvres fous que nous sommes, nos armes sont baissées – , se retire et s’en gargarise. Ce football nous fait passer des cris de joie aux cris du cœur, il prend la peine de nous enjouer et de se jouer de nous. Et puis, il commet l’irréparable. Il met sur notre chemin, vil gredin, un jeune homme qui, très vite, devient notre coqueluche. Ce jeune homme ne s’est pas proposé, c’est nous qui l’avons adopté. C’est un concentré de talent, un buffle, un game changer, un garçon attachant. Il s’appelle Renato Sanches, n’a que 18 ans, et bientôt, incarne le renouveau d’une sélection qui ne cessera, encore aujourd’hui, de proposer des prospects, tous plus doués les uns que les autres.
Renato Sanches se présente une première fois face à la Bulgarie, puis la Belgique. Il est enchanté et nous aussi. Quelques mois plus tard, Fernando Santos le sélectionne pour son premier Championnat d’Europe. D’abord sur le banc, il décide d’en sortir véritablement face à la Croatie. Je suis dans les tribunes, accompagné de feu mon grand-père, et je le vois débouler balle au pied, offrir le cuir à Nani, qui finit, on ne sait comment, par rentrer au fond des filets adverses. Je me souviens d’un stade qui explose, d’hommes, de femmes et d’enfants qui chantent à l’unisson, de leur sympathie et de sourires qui resteront gravés jusqu’à ce qu’à mon tour, je devienne feu.
Après ça, Renato ne quitte plus le terrain. Au tour suivant, il vient, comme un grand, inscrire le but de l’égalisation, suite à l’ouverture du score inopinée de la Pologne. Robert Lewandowski nous avait douchés, mais Renato est notre soleil. Et il brille intensément, au point de se proposer comme second tireur, dans une séance de tirs au but angoissante. Face à Łukasz Fabiański, il s’élance et marque. Renato n’est plus « comme », il est déjà grand. Quelques minutes plus tard, il fait partie du groupe de joueurs qui vient d’abord féliciter Rui Patricio pour avoir repoussé le penalty polonais. Les autres courent derrière Ricardo Quaresma, qui ne semble pas avoir immédiatement compris qu’il venait de qualifier son équipe pour le dernier carré de la compétition.
Après ce match, Renato Sanches fait profil bas. La demi-finale se passe bien et se déroule sans accroc. Il est moins à son avantage, mais la victoire est notre. En finale, il fait son match, mais l’histoire veut que ce soit lui qui cède sa place à Éder. Ce même Éder qui, 33 minutes plus tard, fait se soulever tout un peuple… Comme un symbole.
Mais dans le football, tout va très vite. Et je vous l’ai dit, il est fourbe et impitoyable. Alors nous voici 7 ans plus tard. Renato a rejoint la Roma, sous la forme d’un prêt avec option d’achat. Une option qui pourra être levée, à condition qu’il atteigne un certain pourcentage de matchs joués en Italie. Et oui, voilà ce qu’est devenu Renato : un joueur pour qui les minutes sont comptées, un joueur que l’on pointe du doigt pour sa fragilité, un talent que l’on compare, et pas pour les bonnes raisons, à Neymar ou encore Ousmane Dembélé. On aimerait qu’il le soit, toute proportion gardée, pour son talent, car on sait de quoi il est capable. On se souvient de lui face à Montpellier, face à la France, face à l’AC Milan, face à Chelsea…
Mais cette semaine, Renato s’est à nouveau blessé et cumule plus de 21 blessures dans sa carrière. À 25 ans, il a déjà loupé plus de 110 matchs. Ou alors, c’est le football qui a loupé un jugador. Quoi qu’il en soit, l’amertume est là. Pour nous, mais surtout pour celui dont le sourire des retours sur la pelouse se confond bien trop souvent à la tristesse de la quitter à nouveau. Il est loin le temps où il était élu meilleur jeune de l’Euro, puis Golden Boy dans la foulée. Mais la trace qu’il a laissée dans notre cœur, à tous, est indélébile. Alors Renato Sanches, saches que tu ne marcheras jamais seul. À chaque fois que tu tomberas, on sera là pour te soutenir, et à chaque fois que tu te relèveras, on sera là pour t’encourager.