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Joueurs Portugais

Rui Patricio, le dernier rempart d’une nation

Rui Patricio à l'EURO 2016

Dans l’apprentissage du poste de gardien de but, un verbe revient souvent pour conditionner la mentalité de tout bon portier : dégoûter. Au fond, l’objectif d’un gardien est de dégoûter un attaquant, une équipe entière, ses supporters. Lui aura su dégoûter une nation entière, un certain soir de juillet 2016, pour amener la sienne vers une gloire éternelle.

Ce mercredi 10 décembre, Rui Pedro dos Santos Patrício, dit Rui Patrício, a annoncé mettre un terme à sa carrière à l’âge de 37 ans. L’occasion de revenir sur une carrière certes semées de quelques embûches, mais qui a valu au portier portugais une place parmi les plus grands de l’histoire de son pays. 

Un pur produit vert et blanc

Né à Regueira de Pontes près de Leiria, Rui Patrício commence le football au  SC Leiria e Marrazes, avant d’intégrer dès l’âge de douze ans les équipes jeunes du Sporting Portugal. Le 19 novembre 2006, c’est l’heure des débuts en pro. Le jeune gardien est aligné pour la première fois en championnat lors de la victoire de son équipe face à Marítimo sur le score de 1-0, dans ce qui sera son seul match de la saison.

Il faudra attendre la saison suivante pour le voir s’installer comme titulaire indiscutable, et imposer son règne dans les cages des Leões de Lisbonne. Ce règne durera onze ans. Onze ans de bons et loyaux services qui lui ont valu deux coupes nationales (2008, 2015), deux supercoupes (2009, 2016) et une coupe de la ligue (2018). Onze années durant lesquelles il s’est imposé comme leader et capitaine de cette équipe, qui a pourtant  l’habitude de voir ses meilleurs joueurs s’en aller à chaque mercato. Au total, 467 matchs, faisant de lui le deuxième joueur le plus capé de l’histoire du club. 

Incidents d’Alcochete : triste fin

Tout portait à croire que Rui Patrício passerait sa carrière entière au Sporting. Mais malheureusement, l’histoire d’amour s’est conclue par un divorce brutal. Lors de la saison 2017-2018, rien ne va au Sporting. Le climat est explosif, les performances sont médiocres, les supporters s’impatientent, et le président s’en prend publiquement à ses joueurs et à son entraîneur.

En mai 2018, la crise tourne au fiasco total. Une quarantaine de supporters cagoulés s’introduisent dans le centre d’entraînement du club à Alcochete et agressent physiquement joueurs et entraîneurs. Ce déchaînement de violence, c’est la goutte de trop pour Rui. Il décide de rompre unilatéralement son contrat avec le club lisboète, ouvrant par la même occasion la voie à d’autres départs de joueurs importants de l’équipe : Daniel Podence, Wiliam Carvalho et Gelson Martins. Un départ au goût amer, marqué par un sentiment de trahison. Aujourd’hui chez les supporters, certains l’ont pardonné, d’autres ne retiennent que la manière cruelle dont son histoire au Sporting s’est achevée. 

Les derniers éclats en club

À 30 ans, Rui Patrício trouve son point de chute en Angleterre et signe chez les Wolverhampton Wanderers, fraîchement promus en Premier League. Nouvelle aventure dans le championnat le plus relevé de la planète foot, et dans un club connu pour attirer beaucoup de portugais, comptant près d’une dizaine de joueurs lusitaniens à ce moment-là, sans oublier le technicien Nuno Espirito Santo à sa tête. Pas trop de dépaysement donc pour le gardien. Il gagne rapidement la confiance de son coach et des supporters anglais et défend avec brio les cages des Wolves, qui obtiennent une septième place synonyme de participation en Europa League dès leur première saison de retour dans l’élite du football anglais.

Trois saisons et 127 matchs plus tard, Rui Patrício décide lors de l’été 2021 de rejoindre José Mourinho à l’AS Roma. Sous les ordres du Special One, il occupe le rôle de leader expérimenté et constitue un des piliers de l’équipe romaine, qui ira gagner la première édition de la Conference League lors de la saison 2021-2022. Dernière gloire pour Rui Patrício, qui terminera sa carrière par un court passage à l’Atalanta Bergame et un exil aux Émirats arabes unis. À 37 ans, il décide de raccrocher les gants après 731 matchs disputés en club, chiffre qui témoigne de sa longévité, de sa constance, mais surtout de sa ténacité. 

Le rempart en sélection

Nous venons de le voir, la carrière de Rui Patrício en club est plus qu’honorable. Mais si il y a bien une page à écrire à l’encre dorée dans le livre de « São Patricio », c’est bien celle de sa carrière en sélection.Il y fait ses débuts en 2010 sous les ordres de Paulo Bento, le même entraîneur l’ayant fait basculer en équipe première au Sporting. Il en devient vite le dernier rempart, met tout le monde d’accord grâce à son courage et sa sérénité.

Puis arrive l’Euro 2016, tournoi qui va le hisser au rang de légende. Rarement un gardien s’est retrouvé dans un tel état de grâce et a porté le destin de son équipe du bout de ses gants. 10 juillet 2016, Stade de France, une finale pour donner à son pays un premier sacre. Dès les premières minutes, Rui Patrício comprend qu’il va devoir sortir l’un des plus grands matchs de sa carrière. Et il le fait. Impeccable sur sa ligne, souverain dans les airs, des réflexes inhumains. Il frustre les attaquants français, et traumatise tout un pays.

Lui et Éder resteront dans les annales du football comme les bourreaux de la France. À la 9ème minute, cette claquette main opposée sur la tête d’Antoine Griezmann reste l’une des images iconiques de cette nuit parisienne. Ronaldo, Messi, Maradona, Henry : toutes ces légendes ont des statues à leur effigie. Rui Patrício a sculpté la sienne ce soir-là. On peut la retrouver à Leiria, sa terre natale, mais surtout dans la mémoire du peuple portugais qui n’oubliera jamais ce geste, cette performance, gravée à jamais dans l’histoire de la Seleção.

Deuxième trophée en sélection : la Ligue des Nations en 2019, tournoi qu’il dispute entièrement en tant que titulaire. Un dernier triomphe en sélection avant d’être petit à petit éclipsé par Diogo Costa. Du haut de ses 108 sélections et de son statut de gardien avec le plus de matchs sous le maillot de la Seleção, il prend le temps de transmettre son savoir et son expérience au jeune gardien du FC Porto. 

Au crépuscule de sa carrière, Rui Patrício laisse derrière lui un souvenir épique. Celui d’une légende portugaise, peut être inachevée au Sporting, mais qui a porté la sélection portugaise sur ses épaules pendant presque une décennie. En 2016, il était aux yeux des français « le diable qui sort tout », comme le disait Denis Balbir aux commentaires de la finale sur M6. Mais ce soir-là, les portugais ont vu en lui un ange gardien guidant son pays vers le Graal. 

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