Alors que sa légitimité en tant que titulaire au sein de la sélection portugaise fait de plus en plus débat, João Cancelo ferait bien de capitaliser sur sa force de caractère pour inverser la tendance. Ce qui, à l’échelle de sa vie, ne serait pas une première.
Auteur d’une énième prestation en demi-teinte avec le Portugal face au Ghana (3 – 2), João Cancelo pourtant considéré comme l’un, si ce n’est le meilleur latéral du monde, pourrait perdre sa place de titulaire en sélection. Outre ses capacités footballistiques, le joueur de Manchester City pourrait puiser dans sa force de caractère hors du commun, forgé par une histoire de vie compliquée. Retour sur le parcours de celui qui est tombé à 6 reprises, mais s’est relevé 7 fois.
Les larmes d’un enfant
Samedi 5 janvier 2013. João Cancelo, alors âgé de 18 ans, son petit frère Pedro, qui dort sur la banquette arrière, et sa mère Filomena, roulent sur l’autoroute direction la maison. La maman vient tout juste de déposer son mari, Joseph, à l’aéroport de Lisbonne. Mais ce qui n’aurait dû être qu’un simple trajet en voiture s’est transformé en drame. Leur Audi A3 percute une autre voiture. João et son frère sont très légèrement blessés. En revanche, leur maman ne se réveillera pas.
Toute la famille est dévastée. João Cancelo ne souhaite plus toucher au ballon. Même les appels incessants des dirigeants du Benfica Lisbonne ne parviennent pas à le faire revenir. Pendant plus d’un mois, il esquivera le rectangle vert. C’est sa maman qui lui a inculqué l’amour du football. C’est elle qui, lorsqu’il était plus jeune, l’accompagnait aux entraînements malgré les trois boulots qu’elle cumulait. Elle était sa plus fervente supportrice.
Mais petit à petit, avec l’appui de son père et du staff du SLB, João a retrouvé le chemin du gazon. Cette tristesse, ce vide, il est venu le transformer en combustible afin de rendre le plus beau des hommages à sa maman. Il est aujourd’hui difficile de jauger à quel point cette première chute a pu influer sur sa personne, mais il ne fait nulle doute qu’elle a forgé l’homme fort qu’il est. Pour le meilleur, comme pour le pire.
João Cancelo « l’enfant de la rue »
« De toute ma carrière, il est le joueur qui a été le plus difficile à gérer. » Bruno Maruta, directeur de la formation du SL Benfica, se souvient d’un gamin « différent » des autres dans le documentaire “Factory of Dreams : Benfica” réalisé par Prime Video. Cancelo lui-même se qualifie « d’enfant de la rue » et reconnaît ne pas avoir rendu la vie facile à certains de ses formateurs. Mais ça fait partie de lui. Derrière sa carapace, se cache un jeune homme au grand cœur et au caractère bien trempé.
Plus tard, João Cancelo tapera dans l’œil de Nuno Espirito Santo alors entraîneur de Valence. En août 2014, celui qui n’a joué que deux petits matchs avec les Aigles de Lisbonne atterrit sur les bords de la Méditerranée. Là-bas, il évoluera au poste de latéral droit mais aussi en tant qu’ailier. Son profil et ses nombreuses qualités balle au pied lui permettent de gravir les échelons rapidement et de devenir titulaire au sein du club Che. Après trois saisons, dont deux pleines, il quitte le stade Mestalla en pleure, direction l’Inter Milan en prêt. L’oisillon blessé, se remet à voler.
Après un exercice 2017- 2018 réussi sous les ordres de Luciano Spalletti, João Cancelo rejoindra la Juventus. Sauf que là-bas les choses se passeront moins bien. S’il est généralement titulaire, Max Allegri ne lui témoigne pas toujours sa confiance lors de certaines rencontres importantes. Pour preuve, ce quart de finale retour en Ligue des champions face à l’Ajax, où João verra la Vieille Dame se faire dérider depuis le banc pendant près d’une heure. Son entrée en jeu à la place de Mattia de Sciglio ne changera rien. La Juve est éliminée.
Devenir grand
À la surprise générale, Cancelo ralliera Manchester City seulement un an après son arrivée dans le Piémont. Si ce transfert s’explique premièrement par des nécessités budgétaires, le journaliste italien Massimiliano Nerozzi, affirme que le staff de la Juventus décelait chez lui un manque de rigueur tactique. Fabiana Della Valle, également journaliste, ajoutera qu’Allegri n’aimait pas Cancelo. Sentiments réciproques. Le Portugais demande alors à son agent, Jorge Mendes, de lui trouver une porte de sortie. Pas le temps de rester au sol.
Sous les ordres de Pep Guardiola, il devient un incontournable des Skyblues. Passé du couloir droit au gauche, Cancelo gomme rapidement les quelques lacunes qui ennuyaient son ancien club et explose aux yeux du monde entier. Au point de figurer, en octobre dernier, à la 25e place au classement du Ballon d’Or, portant même parfois l’étiquette de meilleur défenseur latéral de la planète. Rien que ça.
En sélection, c’est une autre histoire. Absent du groupe en 2018 et contraint de l’abandonner lors de l’Euro 2020, le natif de Barreiro dispute son premier tournoi international cette année. Après une entrée en matière compliquée face au Ghana jeudi dernier, la pression pèse sur ses épaules. Il serait bien avisé d’inverser la vapeur car son concurrent direct, Diogo Dalot, trépigne d’impatience. Le latéral de l’autre Manchester a convaincu lors de ses dernières sorties avec le Portugal (7 matchs, 2 buts, 2 passes décisives).
Si le numéro 7 qu’il porte à City en mémoire de sa maman lui a toujours porté bonheur, cette fois c’est avec le 20 qu’il va devoir trouver le moyen de se relever.