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Opinion

Le Portugal s’invente des vies

Pour annoncer la mise en place du partenariat entre la Seleção et l’équipementier Puma, la Fédération Portugaise de Football a publié un communiqué dans lequel on peut notamment lire : « Le Portugal, vainqueur de l’Euro 2016 et de l’édition 2018/19 de la Ligue des nations, est connu pour son style de jeu captivant, qui lui a permis d’acquérir beaucoup de supporters à travers le monde et d’être la sélection de football la plus suivie sur les réseaux sociaux. » Le mensonge – surligné en gras – est si grossier que je n’ai pas pu m’empêcher de pianoter sur le clavier de mon ordinateur pour en toucher quelques mots. 

Captivant, vraiment ? 

Il est nécessaire de remettre l’église au milieu du village : la sélection portugaise n’est pas la plus suivie sur les réseaux sociaux ou l’une de celles qui compte le plus de supporters à travers le monde, pour son style de jeu captivant. Déjà parce que le style de jeu du Portugal n’a absolument rien de captivant, et ce depuis bientôt deux décennies. Terminée l’époque de Figo, Rui Costa, Deco, Nuno Gomes, Pauleta : les Brésiliens d’Europe n’existent plus.

Aujourd’hui pourtant, ce ne sont pas les joueurs talentueux qui manquent. Mais sous les ordres de Fernando Santos, puis de Roberto Martinez, la mayonnaise ne prend pas. Ils en ont (avaient pour Santos) les moyens, pas les capacités. Dès lors, parler de jeu captivant, alors qu’une scission entre les supporters et la Seleção s’est formée, et qu’elle n’en finit plus de prendre en épaisseur, c’est se moquer du monde. 

Est-ce qu’on a été captivé par le Portugal lors de la Coupe du monde 2018 ? Bien sûr que non. Lors de l’Euro 2021 ? Il est évident que non. Lors de la Coupe du monde 2022 ? Of course not, comme disent les anglais, qui ont plus d’argent. Lors de l’Euro 2024 ? いいえ, comme disent les japonais, que je salue chaleureusement. Même en 2016, et ce malgré la conquête d’un titre historique, le Portugal n’a pas brillé par son jeu, bien au contraire. N’importe quel portugais en est conscient, mais ne s’empêchera pas pour autant de regarder cette magnifique page d’histoire avec des étoiles plein les yeux. 

Ronaldomania 

La principale raison de cette ferveur autour de la sélection portugaise – ça sautait aux yeux tout au long de l’Euro 2024 en Allemagne -, c’est Cristiano Ronaldo. Pas plus tard qu’en septembre dernier, il est devenu la première personne à atteindre le milliard d’abonnés tous réseaux sociaux confondus. Où qu’il aille, les gens sont là. Le Portugal en profite, tout comme la Juventus fut un temps, lors de l’annonce de sa signature, ou encore plus récemment Al-Nassr, depuis son arrivée. Rendez-vous compte : avant Ronaldo, le club saoudien était suivi par plusieurs centaines de milliers de personnes sur Instagram. Aujourd’hui, ce sont plus de 27 millions qui suivent le compte. 

Et on peut même transposer ça sur les choix télévisuels. Quand la chaîne L’Équipe décide de prioriser systématiquement la diffusion des matchs du Portugal, devant ceux de l’Espagne, de l’Italie ou encore de l’Angleterre, c’est pour quoi ? Pour les horribles Bernardo Silva et Bruno Fernandes ? Pour le jeu attrayant de Fernando Santos ou Roberto Martinez ? La réponse est non, et porte un nom : celui de Cristiano Ronaldo.

Photo by Justin Setterfield/Getty Images

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