Focus sur le cas Nico González, à quelques heures du début de la campagne européenne du FC Porto, face au Shakhtar Donetsk.
À chaque fois que s’ouvre (et se ferme) une période de transfert, un nouveau monde de possibilités, d’espoirs mais aussi d’anxiétés naît. Un papier écrit par Rémy Martins et publié sur son médium, puis traduit par nos soins du portugais au français.
29 juillet 2023
Nico González devient officiellement une recrue du FC Porto. Formé en terres catalanes pour assumer le protagonisme dans le cœur du jeu, davantage comme un milieu intérieur que comme un 6, il reste tout de même capable d’évoluer à n’importe quel poste au milieu. Entre-temps, pour pallier le départ d’Uribe, le club signe également Alan Varela. Il se profile donc une association qui génère, a priori, plus de certitudes que de doutes.
14 août 2023
Nico González réalise ses débuts avec le maillot bleu et blanc contre Moreirense. En à peine 20 minutes, il parvient à se mettre en valeur de telle sorte à ce que l’on aperçoive rapidement chez lui des qualités tactico-techniques, dont la rareté, à elle seule, revendique, déjà, un tout autre statut.
20 août 2023
Face à Farense, le joueur de 21 ans débute en tant que titulaire dans le double pivot tant chéri par Sérgio Conceição. Dans une équipe aussi mécanisée, il s’est mué en un véritable « penseur » du jeu dans l’organisation, permettant d’emprunter d’autres voies et, ainsi, générer d’autres possibilités. Porto a non seulement bénéficié de sa précision dans les transmissions mais aussi de son courage dans la prise de risques, indissociable de tout processus impliquant de la créativité.
À la 13ème minute, Toni Martinez est venu ouvrir le score sur une passe décisive de Galeno. Mais ce qui ne peut laisser indifférent, sur l’action du but, c’est bien la passe en première intention de Nico González pour son coéquipier brésilien. Cette dernière a en effet offert la possibilité à Galeno de fixer son adversaire et ainsi de libérer l’espace pour Martinez.
C’en est suivi le match contre Rio Ave qui a été marqué par une nouvelle prestation convaincante du milieu de terrain espagnol. Dès lors, il apparaissait comme illégitime de contester sa présence dans le onze tant ses précédentes prestations témoignaient de sa volonté d’assumer et de répondre aux attentes que sa venue avait suscité.
03 septembre 2023, le premier écueil, et pas des moindres
Lors de la 4ème journée de championnat, Porto reçoit Arouca qui, face à une (énième) mauvaise prestation des hommes de Conceição, a su mettre à mal et même punir les Dragons, qui n’ont eu que pour salut l’impétuosité d’Evanilson dans la zone de vérité .
Nico González s’est, malgré lui, attiré les foudres du staff, de la presse et de certains supporters suite à l’égalisation d’Arouca. À la 84e minute, Cristo Gonzalez récupère le ballon dans un duel avec Pepê, s’élance puis se retrouve à nouveau devant le Brésilien. Avec pour ambition d’annihiler tout déséquilibres et avantages (pour Arouca) qui pourraient découler de ce 1v1, Nico s’approche afin de permettre une supériorité numérique. Le dribble de l’extérieur vers l’intérieur étant impossible à cause du positionnement de l’ancien barcelonais, Cristo opte pour un dribble court entre les deux. Par chance (car elle fait aussi partie du football), et malgré le fait que Pêpe touche le ballon, l’Arouquense parvient tout de même a le garder. Le changement de trajectoire de la balle trompe Nico, qui se retrouve en mauvaise posture et finit par offrir une nouvelle possibilité à Cristo d’aller les punir.
Son attitude suite à cela laisse à penser à une certaine résignation vis à vis de ce qui est fortuit et sera, sans même qu’il ne puisse se l’imaginer, les prémisses d’une remise en question. Comme un air de déjà vu…
Contre Estrela Amadora : Nicolás González, pas même sur le banc
Dans le football, c’est le résultat qui guide la postérieure analyse. Ce même résultat qui de par sa nature pernicieuse, conduit aussi à faire les louanges de ce qui a été mauvais, lorsque le score d’affichage l’occulte, et vice versa. Le vice naît et se nourrit de cela. Il convoque les opportunistes, les malhonnêtes ou les populistes. C’est ainsi que le terme de « l’intensité » est devenu une sorte de pierre philosophale. « Il manque d’intensité » disent-ils. Mais au final, que se cache-t-il derrière ce mot qui est utilisé comme une panacée universelle? Ce mot a contribué à un changement de paradigme dans la hiérarchisation des priorités : la technique vs la force (physique, comprenons-nous).
Nous courons, chaque jour un peu plus, le risque d’aggraver les chances que le spectacle ne corresponde plus à ce que ce sport peut nous offrir de plus pur. Et cette pureté ne se mesure pas, elle se contemple. On ne peut pas (et ne doit pas !) oublier l’aspect indomptable et sauvage inhérent au football. Utiliser « l’intensité » comme argument unique et exclusif pour légitimer l’utilisation de tel ou tel joueur va de pair avec une volonté hystérique et incohérente d’analyser et de commenter le football à travers le seul outil que sont les statistiques. L’« intensité », et les données métriques qu’elle induit habituellement, sont totalement futiles si elles ne sont pas utilisées en complément de ce qui a été vu. Sans critères prédéfinis d’utilisation, ils ne nous mènent nulle part.
On réclame aux joueurs de courir et de se sacrifier plutôt que d’être précis, courageux et pensants. On vibre pour ce qui se développe le plus rapidement possible et on ne donne pas la valeur que mérite la temporisation, oubliant souvent que, tout comme en F1, pour pouvoir accélérer, il faut, au préalable, freiner. Courir suscite le consensus, mais le football est un jeu et nous ne pouvons pas oublier l’essence de ce sport. Sur le terrain, seules les contre-attaques ne tolèrent pas la pause. Réaliser une conduite de balle à haute vitesse et être dans l’intensité ne sont pas indissociables du fait d’être un « bon joueur », bien au contraire. Il y aura toujours, en raison de prédispositions (physiques) ou d’indispositions (techniques) naturelles, ceux qui courent davantage par nécessité (question de survie) et ceux qui courent moins parce qu’ils sont capables de résoudre plus facilement les problèmes relatifs aux différents contextes qui s’offrent à eux durant un match. Et c’est là qu’ils sont vraiment utiles (car ce jeu exige surtout de l’intelligence). À ce stade, il sera toujours important de ne pas confondre la valeur avec l’utilité.
Il y a trois manières de définir un joueur rapide :
- La vitesse, stricto sensu, en terme athlétique, correspond au temps que chacun met pour parcourir une distance définie.
- La vitesse cognitive signifie quant à elle de penser rapidement ou de tirer parti de son instinct (mémoire subconsciente), ce qui améliore la capacité à prendre des décisions.
- Enfin la vitesse à travers la précision technique : que ce soit dans la manière de contrôler la balle lors de la première touche, de changer la perspective d’une action et la capacité collective, à partir de l’individuel, grâce à une simple passe.
Souvent, les deux derniers aspects cités sont les plus importants mais sont les plus négligés dans les analyses, qui se cristallisent sur le prisme athlétique. Rien de plus incohérent. Après tout, qui joue au football ? Des footballeurs ou des athlètes professionnels ? La grande différence entre les deux réside dans le fait que tout ce que fait le footballeur est en relation avec le ballon.
Le problème des chiffres est qu’ils ne sont pas discutables, ce sont des faits, point final. Ils sont utilisés pour étayer n’importe quelle narration car ils n’induisent rien de plus qu’une mesure numérique. Alors, quel est le mal de l’intensité s’il se réfère uniquement à ces chiffres ? Il n’y a pas de débat possible ! C’est un fait, point final (disent-ils). La logique est la même que celle appliquée par ceux qui ne se contentent que des résultats et ne valorisent pas les processus, les trajectoires, la planification et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre.
Nico González est l’un de ceux (qui se souvient d’Oliver Torres ?) qui souffrent de cette tendance pernicieuse à vouloir tout justifier par des arguments scientifiques sans prendre la peine d’observer (stricto sensu) et de réfléchir. On dit que les téléspectateurs ne tiennent plus 90 minutes devant un simple match, mais avec bien moins que cela, on peut déjà mettre en avant les nombreuses qualités de Nico. Encore plus dans un rôle aussi crucial. Il me semble donc évident que le natif de La Corogne contribue à avoir plus de contrôle, une meilleure capacité d’interprétation et est un soutien indéniable dans le processus créatif.
Sa facilité à jouer en une touche, à trouver des espaces en combinant, à rendre factuel des situations de déséquilibre dans l’organisation adverse, est évidente. Il fluidifie le jeu, il ne l’inhibe pas. Il génère des possibilités, il ne les restreint pas. En fin de compte, avoir Nico González sur le terrain est l’Honoris Causa de la nécessité de chérir la balle, toujours, car celle-ci, « No se mancha! ».