Des terrains meurtris du Portugal, aux pelouses de Bourg-en-Bresse. De ses débuts d’éducateur à 14 ans, jusqu’à la fondation de la Football School Academy. Ludovic Da Silva revient avec nous sur sa vision du football partagée entre valeurs et travail.
Ludovic Da Silva a vu son destin se lier au ballon rond très tôt, dès l’âge de 6 ans. Au rythme des foulées et des premiers dribbles, il est rapidement amené à connaître la réflexion des bancs de touche. En effet, à peine âgé de 14 ans, il prend la tête de la section U6 du club de son village. En parallèle, il continue de parfaire ses gammes footballistiques. Aux portes du centre de formation de Leiria au Portugal, il finit par rejoindre les catégories jeunes de Bourg-en Bresse, au nord de Lyon. Une équipe qui a connu pendant trois années la Ligue 2 sur les cinq dernières saisons.
Cependant, un choix cornélien se pose à lui : « soit je continue le football, soit je poursuis mes études« . Contraint par des blessures régulières, il choisit finalement la « sécurité » et poursuit ses études. À 30 ans, Ludovic est revenu vers sa passion en fondant la Football School Academy.
La Football School Academy : c’est quoi ?
Ludovic Da Silva : « C’est une structure qui permet à des jeunes, âgés entre 8 et 16 ans, de découvrir une autre méthodologie du football. Une approche basée sur une vision portugaise de l’apprentissage, qui place le jeu avec ballon au centre de tout. Les tarifs sont compris entre 300 et 350 euros selon la ville, sans hébergement. Avec hébergement, ça tourne plutôt aux environs de 500 et 550 euros, toujours selon l’endroit.
La formation s’organise sous forme de camps, qui durent une semaine et qui sont dédiés à la formation des jeunes. Plusieurs actions y sont mises en place, on y explique les lois du jeu, l’arbitrage, on sensibilise, il y a aussi des sessions vidéos… Là-bas, on met en avant la culture portugaise puisqu’il y a un lien avec la finalité.
Nos camps permettent aux joueurs les plus prometteurs de partir au Portugal une semaine. Ils partent faire un stage dans des clubs comme le Sporting, pour y approfondir ce qu’ils ont appris pendant notre formation. Je travaille et je suis en relation avec le club. Je passe par les coordinateurs de recrutement qui sont au-dessus des recruteurs. Malheureusement, à cause du COVID, j’ai trois joueurs qui n’ont toujours pas fait leur semaine d’essai. »
Pourquoi la Football Shcool Academy met en avant une méthodologie portugaise de l’apprentissage du football ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Ludovic Da Silva : « Je pense que c’est lié à mon enfance, ma mère est française et mon père portugais. J’ai eu une éducation à l’ancienne avec un père strict mais qui m’a inculqué les valeurs du travail dès le plus jeune âge. Quand tous les gens me racontaient leurs vacances, les miennes étaient différentes. Contrairement aux autres, la plage je la voyais deux fois pendant mes vacances, c’était le maximum. À travers ça, par rapport à beaucoup de Franco-Portugais, je vois les choses différemment. Ceux qui y voient les vacances et la fête, pour moi le Portugal c’est la galère, c’est dur, c’est la pauvreté… C’est le travail. Là-bas j’ai vu la valeur du travail, je l’ai vécu. Je voulais transmettre ces valeurs en France, car ici beaucoup de gens ne les ont pas.
Ensuite, comme beaucoup d’éducateurs et de passionnés, ils s’intéressent au jeu. En Espagne et au Portugal, par exemple, le jeu est au cœur de l’apprentissage alors qu’en France on regarde les profils athlétiques. Aujourd’hui, les éducateurs/entraîneurs (français) pensent qu’on se focalise sur le jeu au Portugal, sans savoir comment le justifier. J’ai voulu m’y intéresser, j’ai contacté des gens et je voulais voir comment cela se passait réellement, donc j’ai voyagé. Lorsque je suis allé au Sporting j’ai compris les choses. La méthodologie de formation d’un enfant au Portugal est complètement différente de ce que l’on voit en France.
Les jeunes portugais vont jouer sur des terrains où les Français ne mettraient pas les pieds. Certains clubs jouent littéralement sur du sable. On progresse 15 fois plus sur des terrains comme ça. L’apprentissage du jeu au Portugal se fait dans la difficulté. En revanche, on y est formé qu’avec le ballon. En faisant ça, on fait réfléchir les gamins, on les rend autonomes, en les forçant à trouver des solutions pendant et à travers le jeu. Ici, on a souvent des entraîneurs Playstation, qui dirigent tout. Au Portugal, c’est la créativité qui prime. Ça explique pourquoi le Portugal produit autant d’ailiers : c’est le poste où l’on s’exprime, c’est un poste de créativité. Si on perd le ballon sur l’aile ce n’est pas grave contrairement à un attaquant de pointe, s’il décroche et qu’il perd le ballon plein axe… C’est un danger immédiat pour l’équipe. »
La création de la Football School Academy est-elle liée à un « acte manqué » vis-à-vis de votre carrière de footballeur ?
Ludovic Da Silva : « Non, ça a plutôt un lien avec mon expérience d’éducateur. Peut-être même avec mon expérience personnelle. En tout cas, il est très compliqué de concilier travail, étude et football. J’ai du respect et de la reconnaissance pour les joueurs qui ont suivi des études importantes. Si on se blesse demain on a plus rien, il faut être réaliste. On se compare aux autres et on se dit : « si lui n’y arrive pas, c’est compliqué pour moi. » À l’époque, je n’avais que 18 ans et si j’avais été accompagné, peut-être que j’aurais continué dans le football mais j’étais tout seul. Je ne regrette pas. »
Quels sont les projets à moyen et long termes de la Football School Academy ?
Ludovic Da Silva : « Pour le moment, la maison mère est à Lyon (Pusignan), je veux exporter le projet à l’échelle internationale. En France, en Espagne, au Portugal, en Suisse, au Canada, en Angleterre et au Brésil. Peut-être même aux États-Unis, à Miami. Par contre, la base de nos camps porte sur la méthodologie portugaise, donc tous les stages resterons au Portugal.
D’abord, je construis un réseau. Je suis au parti aux États-Unis, au Brésil, au Canada, au Portugal… J’ai toujours été convaincu par l’existence de mes principes mais il fallait que je les vive. J’ai découvert le mode de vie des brésiliens, leur vision du football et ce qu’il représente dans leur société. Tout ça dans le but d’internationaliser, de développer le projet.
En ce qui concerne l’aspect financier, on a peu de partenaires pour le moment mais on va démarrer la recherche. On a des coûts et il faut les égaliser par rapport au prix du stage. Finalement, on veut organiser un tournoi sous le regard de clubs professionnels, avec une équipe composée des différents camps que l’on a fait, mais d’abord il nous faut des partenaires. »
Quelles sont les valeurs de la Football School Academy ?
Ludovic Da Silva : « Si tu veux réussir il faut avoir des principes. L’ouverture d’esprit, le respect, l’engagement, la solidarité, le plaisir, le travail. Toutes ces valeurs doivent être apprises dès le plus jeune âge, peu importe ce que l’on fait. Par exemple, dans le contexte du football, je suis un éducateur exigeant mais parce que je souhaite que l’enfant voit des résultats. Les fruits de son propre travail, pour moi c’est la plus grosse victoire. La Football School Academy doit aller au-delà du football, c’est avant tout des valeurs. La valeur du travail.
Chez nous, il y a toutes les nationalités, toutes les cultures, ça ne s’adresse pas qu’aux Portugais. Ça forge l’ouverture d’esprit, c’est ce qui rend le stage riche. Les français ont un faux-problème. Ici, il y a beaucoup de cultures, de nationalités, d’ethnies différentes et pour certaines personnes en France c’est un problème. La diversité de cultures devrait être considérée par tous comme une richesse. »
Le racisme à l’échelle du football mondial, ça avance dans le bon sens ?
Ludovic Da Silva : « Le racisme c’est un outil de communication dans le football. Les institutions s’en servent pour se construire une belle image, mais ce n’est pas lié qu’au football, c’est un phénomène de société. Pourtant c’est un sport incroyable, qui fait cohabiter les pauvres et les riches, les blancs et les noirs… Tout le monde joue ensemble. Le football doit être l’école de la vie. (…) Je veux que la Football School Academy devienne une structure très importante, qui véhicule cette image.«