Après une première partie d’interview consacrée à son incroyable année 2023, Jacqueline Cavalcanti se livre cette fois-ci sur sa nouvelle vie aux États-Unis, l’importance du MMA au Portugal, ou encore, ses idoles de jeunesses.
Jacqueline, comment se passe ta nouvelle vie à Las Vegas ?
Ça va très bien. Ici à Las Vegas, il y a l’UFC Performance Institute où, en tant que combattante UFC, je peux bénéficier de l’aide des physiothérapeutes, des préparateurs physiques, et de tout ce qui inclut la récupération physique. Il y a aussi la partie alimentation avec des nutritionnistes et puis des endroits où tu peux t’entraîner sur l’octogone officiel de l’UFC. L’existence d’un tel endroit m’a convaincu de m’installer ici, en plus du fait qu’il y ait plus de coachs et d’athlètes qu’au Portugal.
Tu as eu l’occasion d’échanger ou même de t’entraîner avec d’autres combattants de l’UFC ?
Bien sûr, ici, tu peux voir tous les athlètes, en particulier ceux qui combattent à Las Vegas quand il y a des évènements qui s’y déroulent. Par exemple, lors de l’UFC 296, qui avait comme tête d’affiche Leon Edwards et Colby Covington, celles et ceux qui y participaient étaient présents. Tu peux donc être en contact avec des champions et des combattants de haut niveau.
Avant je pensais que c’était impossible, mais aujourd’hui j’en fais aussi partie. Même si je n’ai pas encore atteint leurs sommets, ce sont des collègues de travail, quand je parle avec eux, c’est naturel.
Pour en revenir au Portugal, quel est ton avis sur l’évolution du MMA là-bas ?
C’est positif. On peut voir dans les académies qu’il y a de plus en plus de gens qui veulent commencer ce sport. Les athlètes portugais se font aussi davantage remarquer à l’international, que ce soit au One Championship, à l’UFC ou au Bellator.
Tu penses que l’on pourrait avoir une carte UFC au Portugal à l’avenir ?
Je pense que c’est possible. Mais, il faut encore plus d’athlètes portugais dans l’organisation. Quand l’UFC veut faire un évènement dans un pays, il faut qu’il y ait le plus de combattants possible du pays en question. Actuellement, nous ne sommes que trois portugais à l’UFC : Manel Kape, André Fialho et moi. Pour qu’il y ait un évènement au Portugal, il faudrait au moins 8 ou 9 portugais. On pourrait même inviter des espagnols. On verra ce que l’avenir nous réserve. Mais je suis persuadée que ce serait un bel événement car le Portugal est l’un des pays européens où les touristes peuvent venir le plus facilement.
Le Portugal a le potentiel pour avoir plusieurs champions à l’UFC ?
Je pense que oui, on a le potentiel pour avoir de grands athlètes et de grands champions. Mais il faut qu’ils puissent gagner leur vie décemment. Quand on gagne 10, 20 ou 30 000 dollars par combat, certaines personnes se disent : “Wow, c’est beaucoup d’argent”, mais on ne gagne ça qu’à l’instant T. Après le combat, tu dois payer les personnes qui t’ont aidé durant la préparation, donc il ne te reste que la moitié de la somme initiale. Ensuite, tu dois attendre 3, 4 voire 6 mois pour combattre à nouveau. Nous n’avons aucune garantie salariale mensuelle.
Beaucoup de combattants portugais abandonnent rapidement leur carrière ou ne font pas les choses sérieusement, ils ont ont besoin de gagner leur vie, de s’occuper de leur famille… On perd beaucoup d’athlètes à cause de ça. J’espère que ça va s’améliorer et que le pays poussera pour qu’ils puissent poursuivre leur rêve.
Et les médias au Portugal, tu sens qu’ils s’intéressent davantage à ce sport ?
Ils s’y intéressent un peu plus. Même si parfois, ils attendent qu’un autre média publie une information pour ensuite la reprendre… Mais je pense que nous aussi en tant qu’athlète, on se doit de nous rendre disponible pour rendre publique nos performances, notre style de vie, etc. Moi, j’essaye de me rendre disponible au maximum et d’accepter les interviews que l’on me propose, mais beaucoup se plaignent de leur manque de visibilité. En réalité, c’est à eux aussi d’être plus ouverts à la discussion. S’ils ne dévoilent pas une partie de leur quotidien et qu’ils restent enfermés sur eux-mêmes, comment les médias peuvent-ils s’intéresser à eux ?
Dans un reportage diffusé sur Sport TV (une chaîne sportive au Portugal), tu as raconté que tu avais l’habitude de te poser dans ton quartier étant plus jeune, d’observer le pont du 25 avril et de te dire “un jour, je serai quelqu’un”. Tu sens que tu es quelqu’un maintenant ?
Je sens que je le suis. Mais quand je me disais que je voulais être “quelqu’un”, ce n’était pas pour prouver aux autres mais plutôt pour me prouver à moi-même que je peux atteindre mes objectifs. Et aujourd’hui, le travail paye. Mon quartier à Lisbonne me rappelle de très bons souvenirs. J’y suis retourné après mon premier combat à l’UFC, ça me donne de la force et ça m’aide afin de continuer à lutter pour atteindre mes prochains objectifs.
Tu as commencé le MMA très jeune, qu’est-ce qui t’as inspiré ?
Quand j’ai commencé les sports de combats, je n’avais pas d’idoles, mais toute ma famille adorait le MMA et on regardait des films de combat. C’est un peu de là que vient ma passion. J’ai d’abord commencé par le judo, ensuite j’ai fait de la capoeira et du taekwondo. Mais c’est quand je suis entré dans le kickboxing et que j’ai découvert Cris Cyborg (légende du MMA) que j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement. C’est à travers elle que j’ai suivi ce sport. Au Portugal, quand j’avais 15 ans, le MMA n’était pas vraiment connu et les académies étaient un peu lugubres. Donc je n’ai pas commencé directement.
Tu as pu rencontrer Cris Cyborg depuis ?
Oui. Elle est venue au Portugal à l’occasion d’un stage d’entraînement. Ça a été la concrétisation d’un rêve. C’est vraiment une personne incroyable.
Tu as eu d’autres idoles ?
J’étais très admirative d’Anderson Silva et d’Amanda Nunes aussi. En ce moment, j’aime beaucoup le style d’Israel Adesanya.
Pour conclure cette interview, as-tu un message pour les fans de l’UFC en France ?
Je les remercie de me soutenir. J’ai déjà combattu deux fois en France et j’y suis même allé plusieurs fois en dehors de mes périodes de combats, donc je m’y sens presque comme à la maison. Et si on me propose une nouvelle fois un combat en France, j’accepterais. J’apprécie vraiment le peuple français, ce sont des personnes qui vivent pour le combat, c’est un public qui aime vraiment ce qu’il regarde quand il est dans l’arène. À l’UFC Paris, quand je suis rentré dans la cage, j’avais l’impression d’être dans un match de football, c’est pour vous dire l’ambiance qu’il y avait !