Hier soir, le Portugal s’est incliné en huitièmes de finale de l’Euro 2020 face à la Belgique (1 – 0). Thorgan Hazard, comme une anomalie au beau milieu de la torpeur belge, a su délivrer les siens d’une frappe miracle juste avant la mi-temps. Résultat, le Portugal est éliminé mais : la faute à qui ?
« L’équipe de France ne pratique pas le plus beau jeu, mais elle est solide défensivement et marque sur ses occasions… » lançait amèrement Eden Hazard, après l’élimination de la Belgique en demi-finale du mondial 2018. « Je préfère perdre avec la Belgique que gagner avec la France. On a le plus beau jeu, c’est plus mon style. »
Ah, douce ironie quand tu nous tiens. À Séville, bien loin des discours d’il y a trois ans maintenant, les diables rouges n’ont rien proposé. Les hommes de Roberto Martínez ont allègrement troqué la possession du ballon pour des contre-attaques désordonnées et une défense à 10. Malgré cela, c’est bien les Belges qui poursuivront cette compétition, et ils affronteront l’Italie au prochain tour sans même avoir vraiment disputé les huitièmes. Pour le Portugal, l’élimination survient au même stade que lors de la Coupe du Monde en Russie. Ce championnat d’Europe à néanmoins le mérite de mettre en lumière les problèmes d’une sélection qui à tout pour faire mieux.
Ode aux étoiles vagabondes
Bruno Fernandes loupe, Renato Sanches est merveilleux mais le Portugal ne propose que peu de jeu. Observateurs et supporters le savent, l’effectif portugais regorge de stars à tous les postes. Force est de constater que les individualités ont été globalement brouillonnes, voire absentes, durant cette compétition. Bruno Fernandes est à la peine avec ses 80 rencontres dans les pattes, Diogo Jota est devenu bègue devant le but, Bernardo Silva est plus occupé à discuter avec les supporters qu’à marquer les individualités présentes sur son côté droit… La liste des insatisfactions est longue, très longue, trop longue.
En revanche, le bonheur se résume parfois en deux mots : Renato Sanches. Impérial dans l’entrejeu, la version 2.0 du crack de 2016 percute, provoque et remonte le ballon avec une facilité déconcertante… mais il aura fallu attendre le troisième match de cet Euro, et une débâcle contre l’Allemagne, pour le voir titularisé. Les vétérans Pepe et Cristiano Ronaldo ont tenu leur rang malgré leur âge avancé. João Félix et André Silva ont à peine eu le temps de s’exprimer dans ce championnat d’Europe. Nuno Mendes et Pedro Gonçalves ont eu la chance de pouvoir visiter Budapest, Munich et Séville sans avoir eu à payer un hôtel… Le problème de cette élimination semble ailleurs, l’accusé n’est autre que Fernando Santos.
Fernando Santos : trop vieux pour comprendre
Comme un premier amour qu’on ne saurait laisser partir, Fernando Santos est l’homme qui a emmené le Portugal sur le toit de l’Europe pour la première fois de son histoire. Un Euro en 2016, une Ligue des Nations en 2019, le technicien portugais a remplit le frigo vide de la sélection et, il faut l’admettre, difficile de cracher sur la main qui nous a nourri.
Cependant, le contexte n’est plus le même que celui dans lequel Santos s’est engagé. Si à l’époque, le Portugal avait tout d’un d’outsider, qui correspondait parfaitement à une philosophie de jeu pragmatique, ce n’est plus le cas. Désormais, la Seleção a de quoi jouer et surtout de quoi rivaliser avec les meilleures nations du monde, du moins sur le papier. Un match nul contre l’équipe de France (2ème classement FIFA) et l’Espagne (6ème), une défaite contre l’Allemagne (12ème) et la Belgique (1er); dans la pratique le Portugal n’a pas su s’imposer contre une seule équipe nationale majeure en l’espace d’un mois.
Un constat inquiétant, qui pose une question de fond : comment prétendre faire partie des meilleures sélections du monde, sans pouvoir vaincre celles qui sont déjà au top ? Pourtant, Fernando Santos le clame haut et fort à chaque conférence de presse : « le Portugal peut battre n’importe qui » et au final, ils ne battent personne (sauf la Hongrie). À un an et demi de la Coupe du Monde 2022, la Seleção est proche du départ définitif de certains cadres comme Fonte, Pepe, Moutinho ou, bien évidemment, Cristiano Ronaldo. L’heure de la reconstruction approche à grands pas et Fernando Santos semble être à la tête d’un bolide trop grand pour ses ambitions de jeu.