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Joueurs Portugais

Contes das Quinas : Rui Costa, l’aigle royal

18 ans de carrière professionnelle retranscrites en un seul article. Redécouvrez le lien entre Rui Costa et son club de toujours : le Benfica.

Des premiers mots d’un enfant, aux premières foulées à l’Estadio da Luz. De Lisbonne, en passant par Fafe jusqu’à Florence puis Milan, sa classe balle au pied a illuminé les terrains. L’ancien chef d’orchestre de la sélection nationale portugaise, Rui Manuel César Costa, est une légende. Une pierre précieuse qui est venue orner la couronne de l’Histoire du football.

La naissance d’un artiste

« Benfica, e golo » , comme si tout était écrit. De son aveu, il s’agirait là des premières paroles prononcées par Rui Costa. Il n’avait qu’un rêve, une volonté, gagner. Brandir des trophées et porter fièrement le maillot rouge chargé de l’aigle. Cependant, tout n’était pas simple car Rui Costa était doué dans tous les domaines. L’athlétisme, le Basket-Ball, le Rink Hockey (hockey sur patins) mais c’est bien évidemment dans le football qu’il allait exceller. Son père, Vitor Costa, décrit sa première journée de détection au club de la capitale :

« Il fait un dribble et d’un coup deux gamins tombent sur les fesses. Eusébio le remarque et c’était le début… »

Décelé par la « panthère noire » elle-même, l’icône du Benfica, Rui Costa signe son premier contrat professionnel à l’âge de 18 ans. Pourtant, il n’est pas intégré directement parmi les aigles et est prêté au modeste club de Fafe. C’est, selon lui, la première « claque » de sa carrière.

La Coupe du Monde U-20 de 1991 : une génération dorée

Organisée au Portugal, cette compétition cache une équipe. Des joueurs au talent encore inconnu du grand public. En effet, le chemin de Rui Costa va croiser le pas d’autres jeunes artistes de l’Histoire du football portugais : Joao Pinto, Vitor Baia et, surtout, Luis Figo.

Dans un premier temps l’Irlande, la Corée du Sud et l’Argentine figureront, après trois rencontres, à leur tableau de chasse. 9 points plus tard et aucun but encaissé, le Portugal deviendra l’épouvantail du Mexique en quarts de finale. L’issue du match se décidera en prolongation, avec une réalisation de Toni, 2 – 1, la Seleção passe au tour suivant. Ainsi, le Portugal affrontera donc l’Australie lors des demi-finales.
Une rencontre disputée, où Rui Costa clora lui-même les débats. Alors qu’il reçoit le ballon dos au jeu, sur une relance anodine de son défenseur central. Il décide de se retourner à 40 mètres des cages australiennes. Suivi de près par le milieu de terrain adverse, il le crochète du gauche avant d’enclencher une frappe de 25 mètres sans contrôle. Elle se logera sous la barre du gardien des Socceroos, spectateur de la « magie Rui Costa ». Le Portugal est en finale.

Le parcours est intense mais la dernière marche est toujours plus haute que les précédentes. Le dernier obstacle vers le toit du monde porte un nom : le Brésil. Une équipe qui comptait elle aussi des talents comme celui de Élber ou de Roberto Carlos, le deuxième à l’édition du Ballon d’or 2002. Une finale fermée, 120 minutes nulles et vierges. La cruelle loterie des tirs aux buts devra décider du sort de la compétition. Après un échec du brésilien Marquinhos et un score de 3 – 2 dans cette séance de penalty. Rui Costa place le cuir aux onze mètres. Il ne regarde pas le gardien, jamais. Il s’élance d’une course décidée, et prend le gardien à contre-pied. 4 -2, Rui Costa saute par-dessus les barricades et poursuit le cours de son histoire dans les bras des supporters portugais dans « son stade« .

Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe de football 1993-1994 : éclats de rêves.

Fort de son succès avec les U-20, il revient de son prêt à Fafe vers Lisbonne et le Benfica. Sven-Göran Eriksson, alors entraîneur dos incarnados, prend Rui Costa par « surprise » et le fait jouer contre Espinho en championnat. Un triplé et une passe décisive plus tard, Rui Costa ne quittera plus jamais l’équipe première.

Le tournant majeur de son histoire intervient lors de la saison 1993 – 1994. Les échecs lors des finales européennes sont devenus monnaie courante pour les lisboètes. La finale de Coupe des clubs champions européens (C1) en 1990 a laissé des traces. Le Benfica était trop petit pour l’AC Milan de Baresi, Rijkaard, Gullit ou de Van Basten et ils s’inclinent sur le score de 1 à 0. Depuis 1963, cinq finales ont déjà été perdues par les aigles. Le Benfica cherche alors impérativement un succès international en C2.
Aux termes d’une rencontre folle en quarts de finale face aux allemands du Bayer Leverkusen (1 – 1 à l’aller puis 4 – 4 au retour). Les buts à l’extérieur permettent aux compagnons de Rui Costa d’affronter Parme en demi-finales.

Au match aller, soir du 22ème anniversaire de Rui Costa, il est étincelant. Il y signe, selon lui, la plus belle passe décisive de sa carrière puis un but. L’Estadio da Luz célèbre la victoire et 100 000 spectateurs chantent en cœur « joyeux anniversaire » au numéro 10. Pourtant, la réalisation de Zola dans cette confrontation, qui s’était soldée sur le score de 2 buts à 1, allait jouer les trouble-fêtes. Au retour, Sensini inscrira le seul but de la rencontre. Les buts à l’extérieur sont léthaux. Le Benfica échouera aux portes de la finale, une « blessure qui reste » pour Rui Costa.

En fin de saison, la blessure s’agrandie encore. Après les ventes, lors du mercato précédent, de Paulo Sousa et de Paulo Futre, les finances du club sont toujours au plus mal. Le sacre du Benfica en championnat ne suffira pas et ils n’ont pas d’autres choix que de vendre leur joyau, Rui Costa. Lui qui avait accompli le rêve de remporter un titre avec son club, lui qui « devait être un joueur du Benfica« . Il acceptera de partir à la Fiorentina contre 6 millions d’euros. La Viola profite de l’état des comptes désastreux du club de la capitale portugaise et enrôle la pépite pour une somme dérisoire. Une décision prise à contrecœur par Rui Costa qui souhaitait rejoindre le FC Barcelone, quitte à partir. Manuel Damasio, président du SLB déclare à l’époque : « Barcelone proposait moitié moins que la Fiorentina. J’ai alors expliqué à Rui que le football italien était de bonne qualité. Benfica a eu besoin de son sacrifice ».

L’Euro 1996 et la reconnaissance européenne

Rui Costa arrive à Florence pour la saison 1994-1995 où il rejoindra la muraille Toldo et Gabriel Batistuta. Cependant, une escale en 1996 s’impose, alors que les qualifications pour l’Euro sont sur le point de se terminer. Le Portugal a un dernier match décisif qui l’oppose à l’Irlande. En cas de victoire, The Boys in Green participeront à la phase finale de la compétition continentale. Dans le cas contraire, c’est la Seleção qui foulera les pelouses d’Angleterre. Le Portugal est encore traumatisé de son échec lors des qualifications pour l’Euro 1992 où ils sont éliminés, à deux points des Pays-Bas, leader du groupe.

Les Irlandais sont confiants après avoir remporté le match aller (1 – 0). Pourtant, il suffit d’un homme et d’une inspiration lumineuse à la 59ème minute de jeu où la rencontre bascule. « C’est le plus beau but de ma carrière […] Je savais qu’il était loin de sa cage, c’était millimétré, en l’espace d’une fraction de seconde« . Sur un lob sans contrôle d’environ 30 mètres, qui heurte le montant avant de franchir la ligne, Rui Costa délivre les siens. Hélder et Cadete enfoncent le clou, 3 – 0, le Portugal ira chez les anglais. Une fois n’est pas coutume, c’était encore à l’Estadio da Luz.

L’Euro est plus difficile. Bien que le Portugal termine à la première place de son groupe, ils sont éliminés au tour suivant par la Tchéquie sur le score de 1 – 0. Malgré cela, Rui Costa figurera parmi le onze type de la compétition, le seul joueur portugais à y trouver sa place. L’Europe reconnait son talent et pourtant sa carrière n’a démarré que depuis 6 ans.

L’amour d’un club

Lors de la pré-saison 1996 – 1997, la Fiorentina affronte le Benfica. Un match qui se soldera sur le score de un partout, marqué par un fait de jeu à la dernière minute. Sur une remise dos au but de Batistuta, Rui Costa reçoit le ballon et perce la défense centrale du SLB. Il pique le ballon par-dessus le portier, un geste de classe, plein de sang froid. Pourtant, alors qu’il continue sa course vers le poteau de corner droit, Rui Costa fond en larme. Encore empli d’amour pour son club de toujours, la fidélité d’un homme exprimé en un seul geste, lui qui avait été contraint de quitter le club deux ans plus tôt.

Les Gigliatis rencontreront à nouveau les aigles en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe en mars 1997, pour une double confrontation. Les italiens mettrons un terme au parcours des lisboètes sur un score total de 2 buts à 1. Deux crève-cœurs pour Rui Costa : « C’était terrible. En tant que professionnel, je devais défendre les couleurs de l’équipe qui m’employait à l’époque. Mais, en face, il s’agissait de Benfica, un club qui représente tellement de choses pour moi. Toute ma vie est liée à cette équipe. C’était vraiment l’un des moments les plus difficiles de ma carrière.  » La Fiorentina sortira en demi-finales de la compétition face au FC Barcelone (3 – 1), un dernier coup de massue porté sur les rêves européens de Rui Costa.

« O Calciatore » (Le joueur de football »)

Les supporters de la Fiorentina ne tarissent plus d’éloges à son égard. « Brave« , « modeste« , « intelligent » ou encore « l’homme du vestiaire« , les superlatifs ne suffisent plus pour le décrire. Son duo avec « Batigol » fait rêver l’Italie, l’argentin déclare: « ses caractéristiques sont complémentaires avec les miennes. On s’entend bien sur le terrain. » Une entente qui se traduit par des passes décisives, pas mal de passes décisives. Elles s’élèvent à un total de 38 sur les 5 années où le duo s’est retrouvé sur le terrain.

Rui Costa à la Fiorentina
Rui Costa à la Fiorentina (Imago – One Football)

Pourtant, au palmarès de Rui Costa sous les couleurs de la Fiorentina, on ne compte que deux maigres coupes d’Italie obtenue en 1996 et 2001. La saison 1999 semblait être parfaite pour remporter le Scudetto, dans une des compétitions nationales les plus huppés d’Europe. Alors que la Viola termine championne d’automne cette saison, les blessures de Batistuta viennent enrayer la machine. Ils terminent finalement à la troisième place derrière le Milan AC et la Lazio. Après la saison 2000 – 2001, l’heure du bilan a sonné. Comme le Benfica en 1994, la Fiorentina traverse une sévère crise financière et doit se séparer de ses meilleurs éléments. Au coude à coude avec le Real Madrid et Manchester United, c’est bien l’AC Milan qui s’attachera les services du Maestro contre la somme de 42 millions d’euros.

2003 et 2004 : la consécration milanaise.

Dida, Cafu, Nesta, Maldini, Pirlo, Gattuso, Kakà, Seedorf, Redondo, Inzaghi, Schevchenko… Le numéro 10 portugais est venu renforcer l’armada milanaise deux années plus tôt. Les débuts ont été compliqués, les blessures empêchant la bonne intégration de Rui Costa sous ses nouvelles couleurs. Aucun titre n’a été conquis, du moins pour le moment. En 2003, une alchimie naît enfin dans l’équipe et laisse place à un véritable typhon qui emportera tout sur son passage. Les Rossoneris remporteront d’abord la Ligue des Champions puis la Supercoupe d’Europe, la Coupe d’Italie et enfin le Scudetto l’année suivante. Si le technicien de la péninsule ibérique faisait bel et bien parti du onze de départ milanais en 2003, il vient effectuer des prestations ponctuelles en 2004. Malgré cela, Luis Felipe Scolari fait tout de même appel à lui pour l’Euro au Portugal.

Le rouleau compresseur milanais
Le rouleau compresseur milanais (Imago – One Football)

Il s’agit là de sa dernière prestation en compétition internationale, alors âgé de 32 ans, les jambes commencent à devenir lourdes après chaque efforts. L’élimination lors des qualifications pour la Coupe du Monde 1998, et son expulsion dans le match décisif face à l’Allemagne pour la première place du groupe, les échecs de l’Euro 2000 et de la Coupe du Monde 2002 (élimination en phase de poule), résonnent encore dans son esprit. Il lui faudra un dernier coup d’éclat pour redorer le blason de la sélection nationale.

Quart de finale de l’Euro 2004 : Portugal – Angleterre

Rui Costa face à Phil Neville
Rui Costa face à Phil Neville (Imago – One Footbal)

Jeudi 24 juin 2004, Rui Costa entre en jeu à la 79ème minute et doit faire la différence dans ce match, encore et toujours à l’Estadio da Luz. Les anglais s’approchent dangereusement des demi-finales, grâce à l’ouverture du score de Michael Owen. C’était sans compter sur Helder Postiga qui égalise à la 83ème minute. La rencontre se dirige indubitablement vers les prolongations. À la 110ème minute, le Maestro fait parler sa magie et décoche une frappe surpuissante après un rush de 30 mètres pour venir à bout de Paul Scholes. Le cuir tape la barre violemment avant de caresser le filet supérieur de la cage de James. Cependant Frank Lampard lui répond 4 minutes plus tard, le score reste figé, 2 – 2. Les tirs aux buts devront encore une fois décidé d’une rencontre d’anthologie. Cette fois le héros du soir portera le nom de Ricardo, lui qui a retiré ses gants pour arrêter la frappe de Darius Vassel. Avant de mettre fin lui-même à la séance, en prenant ses responsabilités et inscrire le tir au but de la victoire.

Malgré cet exploit, le Portugal s’inclinera en finale, à la maison, comme la France en 2016. Cette fois ce sont les grecs qui trôneront fièrement sur le toit de l’Europe grâce à un but signé Angelos Charisteas. Une dernière prestation qui se conclura sur les larmes d’une nation, d’un joueur et le rideau rouge tombe sur le théâtre de ses rêves.

Rui Costa après le coup de sifflet final contre la Grèce en 2004
Rui Costa après le coup de sifflet final contre la Grèce en 2004 (Imago – One Football)

Le retour à la maison

« Il m’a demandé de lui donner un contrat à blanc et m’a dit que je n’aurai qu’à décider combien nous voulions lui donner » (Luis Filipe Vieira, président du Benfica)

Le chapitre Milan se clos sur une deuxième place en Ligue des Champions face à Liverpool. Cependant, avant de raccrocher les crampons pour de bon, Rui Costa retourne porter le maillot du Benfica en 2006, il rentre à la maison. Il n’y remportera plus de titres mais repartira la tête pleine de chants de supporters, l’un des plus beaux adieux de l’Histoire du football européen.

L’histoire d’amour entre l’homme et son club ne s’arrête pourtant pas là, puisqu’il devient par la suite directeur sportif du Sport Lisboa e Benfica. Aux côtés de Luis Filipe Vieira, il fera venir une pléthore de joueurs pleins de talents. Tout ceci dans le but de fouler la pelouse d’un stade qui l’a accompagné durant sa carrière, dans les meilleurs comme les pires moments. Si les choses continuent à aller en ce sens, il pourrait bien prendre un jour les rennes du club et en devenir le président. En octobre dernier, il confiait au micro de la TVI (chaîne portugaise) : « Le fait que le président croit en moi pour devenir son successeur est une fierté. […] Mais cette fierté et mon amour pour le club ne doivent pas passer avant mes capacités. Ensuite nous verrons si les supporters et les adeptes continueront avec l’envie de me voir endosser ce rôle.« 

Rui Costa artisan de la signature de Darwin Nunez lors de l'été 2020
Rui Costa artisan de la signature de Darwin Nunez lors de l’été 2020 (Imago – One Football)

Classe, humble et la technique fine. Rui Costa a marqué notre sport de son empreinte que ce soit par ses sourires, ses larmes, ses dribbles, ses coups de canons ou ses chaussettes baissées jusqu’aux chevilles qui le caractérisaient si bien. 498 matchs, 66 buts et 74 passes décisives, des chiffres qui ne sont pas à isolé d’une maîtrise exceptionnelle du ballon rond. Après sa carrière, la FIFA l’intégrera au classement The 100 en 2004, qui récompense les footballeurs célèbres ayant marqué leur génération.

Source : Wikipedia (1), Sport TV, L’Équipe, Transfermarkt, Wikipedia (2), Wikipedia (3), A Bola, Les Sports, So Foot (1), So Foot (2), So Foot (3).

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